Tectonique toulonnaise

Le déplacement des plaques lithosphériques entraîne des déformations de l'écorce terrestre avec l'apparition de structures caractéristiques; leur étude dans une région donnée permet l'établissement d'une chronologie des différentes phases tectoniques responsables.

1. Niveaux structuraux et structures associées

Dans la croûte terrestre les déformations croissent avec la profondeur c'est à dire avec la température et la pression ; elles dépendent aussi de la pression des fluides circulants comme l'eau et de la compétence des roches (= aptitude à se déformer). Les déformations les plus fréquentes sont les plis et les failles.

anticlinal
Fig. 1. Anticlinal

Pli convexe vers le haut, au cœur duquel on trouve les couches les plus anciennes.
La déformation de strates est due à des contraintes de compression.

Faille normale
Fig. 2. Faille normale

faille inverse
Fig. 3. Faille inverse

Faille décrochante
Fig. 4. Décrochement

Mattauer (1973) distingue 3 niveaux structuraux en fonction de la profondeur correspondant à des types de déformation différents:


Fig. 5. Niveaux structuraux (Mattauer)

    1.1. Le niveau structural supérieur.

Quand la profondeur augmente la température croit et la plasticité des roches aussi.

Sous l'effet de la pression croissante, les roches subissent des déformations temporaires et réversibles grace à leur élasticité; puis les déformations deviennent irréversibles et permanentes, et dépendent de la compétence des matériaux. Si elle est élevée ils pourront donner des plis à grand rayon de courbure (grès, calcaires) ou des failles, alors que si ces matériaux sont incompétents ils donneront des plis (marnes, argiles). Les plis sont des déformations permanentes, ductiles de la roche alors que les failles sont des déformations cassantes.

Pli couché
Fig. 6. Pli couché
Le plan axial est incliné.
pli faille
Fig 7. Pli-faille

Les plis peuvent être déversés ou couchés et donner des chevauchements c'est à dire peuvent en recouvrir d'autres selon un contact anormal faiblement incliné.

Ils peuvent donner des charriages (chevauchements de grande amplitude). Les plis faillés (fig.7) dont le flanc inverse a été laminé, étiré montrent des bancs ayant subi un amincissement important qui peut se briser par cisaillement (cf. Fig.4), glisser et se déplacer sur le plan de cassure dans le sens de la contrainte de compression maximale.

   1.2. Le niveau structural moyen.

pli isopaque2
Fig.8. Pli isopaque à grand rayon de courbure (Sanary)

pli isopaque
Fig. 9. Pli isopaque

Les températures et les pressions plus élevées sont favorables au développement, par flexion et glissement banc sur banc, de plis isopaques (Fig.8 et 9) ou parallèles et de failles si les roches sont compétentes.

Les plis isopaques sont des plis dont les couches conservent une épaisseur constante.
Le plan axial du pli est vertical, perpendiculaire aux contraintes de compression; les pendages des flancs sont symétriques. C'est le type du pli droit.

    1.3. Le niveau structural inférieur

Principalement sous l'effet des températures élevées, les roches subissent un écoulement lent et sous l'effet de contraintes des déformations plastiques, c'est à dire qu'elles se déforment sans se rompre donnant des plis semblables ou anisopaques.

        1.3.1. Les plis.


pli anisopaque2
Fig.10. Plis anisopaques dans une amphibolite des Maures
plis anisopaques
Fig.11. Plis anisopaques
Ce type de pli montre des bancs dont l'épaisseur varie, suite à un aplatissemt et un glissement de la matière.
Ces plis apparaissent dans des roches incompétentes.
microplis dans les phyllades de Sicié
microplis dans les phyllades de Sicié2
Fig.12 &13. Microplis dans les phyllades du Massif de Sicié

L'interprétation de la formation de ces microplis est très difficile mais on peut affirmer qu'ils sont une illustration des effets d'une tectonique polyphasée, c'est à dire de la superposition de déformations tectoniques d'âges différents.

        1.3.2. Objets structuraux

Dans le niveau structural inférieur des objets tectoniques néoformés apparaissent foliation et schistosité (cf. Fig.14,15,16).
Alors que la limite supérieure de ce niveau structural est la limite supérieure de la schistosité, sa limite inférieure correspond à un début de fusion ou anatexie des roches, en présence d'eau qui donnera des migmatites.

Schistosité Sicié
Fig.14. Antiforme dans les phyllades du Massif de Sicié

Pli convexe vers le haut sans que l'on sache si les couches situées au centre sont plus vieille comme c'est le cas pour un anticlinal.

On distingue les surfaces de stratification S0 qui séparaient 2 couches sédimentaires et des surfaces de schistosité S1, (surfaces qui apparaîssent à la suite de contraintes ici latérales convergentes) le long desquelles la roche se débite en dalles.


Lame mince phyllade de Sicié
Fig.15. Obsevation microscopique d'une lame mince de phyllade de Sicié
(Photo P. Guardia)

La schistosité est un litage visible au microscope correspondant à une famille de surfaces S1 grossièrement parallèles apparues perpendiculairement aux contraintes d'aplatissement d'origine tectonique.
Les surfaces S1sont soulignées par l'accumulation de résidus insolubles opaques lors de la dissolution et de la recristallisation des micas en micas blancs et chlorites (a). En (b) lits quartzeux à micas blancs recristallisés parallèlement à S1.
Gneiss de Bormes-les-mimosas
Fig.16. Gneiss de Bormes-les-mimosa

La foliation: surr la photo on voit une alternance de lits de nature et de taille différentes (lits blancs quartzo-feldspathiques et lits sombres micacés). Au sein de ces lits, les cristaux ont pris une disposition préférentielle perpendiculaire à la direction de la contrainte principale.

2. Les sous-ensembles structuraux

L'ouverture de l'océan Atlantique il y a 180 Millions d'années au Jurassique inférieur suite à l'affrontement des plaques africaine et européenne provoque la fragmentation de la croûte terrestre et l'individualisation de quatre enembles stucturaux :

-un socle rigide, induré qui constitue le substratum du département; il a subi une évolution complexe en profondeur au cours de cycles orogéniques successifs. Il est constitué de roches d'origine sédimentaire ou ignée qui ont subi des déformations ductiles ou plastiques sans cassures et des métamorphismes c'est à dire des transformations minérales à l'état solide et l'apparition d'objets structuraux nouveaux comme la schistosité.
Ce socle affleure dans le Masif de Sicié mais aussi dans le massif des Maures où le métamorphisme a été plus intense.

-une couverture sédimentaire déposée sur le socle dans des dépressions au cours de transgressions (=avancées de la mer sur le continent).

-un tégument entre les deux ensembles précédents.

- les couches de décollement de la couverture

Carte structurale Toulon
Fig.17. Sous-ensembles structuraux
"Altitude d'aprés SRTM 90m"
D'aprés des documents du B.R.G.M simplifiés."Amis de la presqu'île de Giens"

3. Les unités structurales de la région nord-toulonnaise

C'est le coulissage de la plaque Ibérique par rapport à la plaque européenne (Fig.24) qui est responsable des grands traits structuraux de la Provence et des massifs de La Sainte Baume (1147 m), Sainte Victoire, l'Etoile, la Nerthe ou des massifs nord-toulonnais. Les mouvements orogéniques se sont succédés de l'Aptien à la fin de l'Oligocéne (- 125 à - 23,5 Ma environ).
La couverture a d'abord été plissée puis fracturée, s'est décollée, s'est déplacée et a été le siége de chevauchements spectaculaires.

La région toulonnaise qui se trouve à la jonction de la Basse Provence calcaire et de la Basse Provence cristalline, offre une grande variété de paysages morphologiques et géologiques; ils ont été modelés par des phénoménes tectoniques et les effets de l'érosion. Certains secteurs particuliérement tourmentés ont posé, posent et poseront encore des problémes aux géologues afin de déchiffrer leur histoire.

Unités structurales Toulon
Fig.18. Unités structurales
D'aprés des documents du B.R.G.M simplifiés "Amis de la presqu'île de Giens"
Stratigraphie et structure région toulonnaise
Fig.19. Stratigraphie et structure de la région toulonnaise

Sur un vieux socle qui affleure à Six-Fours et dans les Maures, où l'on a trouvé un repère chronologique, les graptolites du Fenouillet datés de - 440 millions d'années.

Distinguons avec P. Laville les unités structurales chevauchantes suivantes (cf. Fig. 23) :

- une unité de tégument, l' Unité de Saint-Mandrier-Saint Jean du Var (1) du Permo-Trias inférieur. En place, elle apparaît à Saint-Mandrier (grés rouges, arkoses et psammites) en fenètre anticlinale sous les phyllades de Sicié, à La Seyne-sur-mer, au pied du Faron et du Coudon ou dans le Massif de la Colle Noire.

- une autre unité, l'Unité des couches de décollement du Trias moyen et supérieur.
Les décollements socle-couverture se faisant grace à trois niveaux d'évaporites du Trias (gypse), deux situés dans le Trias moyen, un autre dans le Trias supérieur (Caron JP 1968). Ainsi la partie basale du tégument formée de terrains permiens faillés et de lambeaux de Trias inférieur, reposant en discordance sur le socle, est restée solidaire de ce socle et a participé aux mouvements qui l'affectent, alors que sa partie supérieure est restée solidaire de la couverture sédimentaire.

Diapir Pointe de la Cride
Fig.20. Diapir. Flanc sud de la Pointe de la Cride (Sanary)

Alors que la Pointe de la Cride portant une ancienne Batterie est constituée de calcaires du Jurassique (Bajocien inférieur calcaire et du Lias moyen et supérieur (J1a-l64), à droite sur la photo, les terrains du Keuper ((t9-7) Trias moyen), argiles jaunâtres à rouges et lentilles de gypse, sont injectés dans les calcaires dolomitiques stratifiés du Lias ((l2) Hettangien Jurassique inférieur), fortement redréssés ici à gauche sur la photo.
Il s'agit ici d'un pli "à noyau perçant" (L. Mrazec. 1915) ou d'un diapir, c'est à dire une structure mise en place lors de la remontée de roches incompétentes, aptes à se déformer, qui sous l'effet de contraintes orientées d'origine tectonique ont traversé en les déformant les roches encaissantes moins ductiles et plus denses.
Ce type de structure engendre en Provence des surfaces de décollement de la couverture sédimentaire sus-jacente qui par glissement gravitaire sont responsables des l'individualisation et des chevauchements des grandes unités structurales de la région.
Cette photo montre donc le 3éme niveau de décollement de la couverture dans le Keuper.

- l'unité du Beausset (Trias moyen et supérieur-Crétacé supérieur) qui chevauche le bassin du Plan d'Aups. Au sud elle se présente comme une vaste cuvette synclinale sur laquelle s'effectue le chevauchement de l'unité de Bandol. Au nord elle est limitée par le Chevauchement Sud-Provençal.

C'est un bassin sédimentaire formé d'auréoles concentiques de la série crétacée, déblayé au cours du plio-quaternaire; il présente aujourd'hui des reliefs caractéristiques de cuestas.
L'unité du Beausset est déchirée et sur le méridien du Faron, forme deux unités. L'une méridionale ou unité des massifs du Faron et du Croupatier (4), l'autre septentrionale qui forme l'unité du Beausset s.s.(2). Sur le méridien du Vieux Beausset, le chevauchement de l'unité méridionale disparait par passage dans un pli déversé au niveau d'Evenos.
Pour expliquer ce phénoméne, on peut supposer que l'érosion orientale de la couverture a été plus vigoureuse qu'à l'ouest et que fragilisée, elle s'est dilacérée en sous unités (3a, 3b et 4) pendant le glissement gravitaire de la couverture. Les érosions ultérieures ont fait disparaître les éventuels fragments plus méridionaux avant que les écailles de socle de Sicié-Mourillon viennent buter contre le tas puis s'effondrent un peu plus tard.

- l'unité Caume-Coudon (3a)

- l'unité Broussan-Baudouvin (3b)

- l'unité de Bandol (5a) correspondant à une nappe de couverture sédimentaire (Trias supérieur, Jurassique inférieur et moyen) décollée du Trias, déversée par dessus l'ensemble Gros Cerveau-Croupatier, sur l'unité située plus au nord, l'unité du Beausset. C'est une cuvette synclinale envahie en partie par la mer.
Le "Vieux-Beausset" (5b) constitue le lambeau triasique le plus avancé de cette nappe, isolé au sein de l'unité du Beausset comme l'a magistralement démontré Marcel Bertrand dés 1887.

-une unité de socle, l'Unité de Sicié (6) antépermienne) et ses prolongements Mourillon, Cap Brun, Cap du Fort Sainte-Marguerite, Pradet Giens-Porquerolle; c'est un socle hercynien déformé, plissé, métamorphisé et érodé, du paléozoïque qui a été repris par les mouvements pyrénéo-provençaux et alpins.

Pour Mattauer et Proust (1963), l'unité du Cap Sicié constitue une nappe de socle déversée vers le Nord sur la couverture sédimentaire : en effet "une conduite d'égoût de la Seyne, allant à la mer par le quartier des Mouliéres, est restée dans le Permien, en passant sous les phyllades de Balaguier, prouvant ainsi l'allochtonie de celles-ci" (in Géologie de la France. J. Debelmas 1974).

Déversement phyllades de Sicié
Fig. 21. Au sortir de l'anse de Fabrégas, on observe le déversement des phyllades de Sicié sur les grés rouges du Trias.

Pli d'entrainement dans grés permiens
Fig.22. Pli dans les grés permiens

Ce pli est interprété comme un pli d'entraînement provoqué par le mouvement des terrains sus-jacents, les phyllades de Sicié, lors des mouvements paroxysmiques provençaux.

Coupe structurale schématique

Fig.23. Coupe structurale schématique (P. Laville)

4. Essai de reconstitution des grands traits de l'histoire géologique locale

    4. 1. Origine des massifs anciens.

Le Massif des Maures est constitué de roches métamorphiques intensément plissées et érodées (micaschistes, gneiss fins, gneiss œillés, amphibolites et leptynites des Maures Occidentales, ou encore, migmatites des Maures Orientales) ; il s'agit donc d'un ensemble de formations rocheuses sédimentaires ou magmatiques ayant subi plusieurs cycles orogéniques successifs, anté-alpin, qui ont provoqué des déformations ductiles et des métamorphismes associés.
Ce socle serait lui-même issu d'un vieux socle granitisé lors d'une période de convergence (rapprochement) de plaques avec collision (période cadomienne), comme semble le prouver le granite de Barral considéré comme un granite d'anatexie crustale, daté de -580 à -560 millions d'années.

Lors d'une période de distension s'étalant du Cambrien au Silurien (-542 à - 417 Ma), se sont déposées sur ce vieux massif, des formations sédimentaires détritiques marines de type flysch, argilo-sableuses et pélitiques (débris fins), contenant des Graptolites (Fenouillet prés d'Hyéres), datés de -440 millions d'années.

C'est l'Orogénése hercynienne qui est responsable de la formation des orthogneiss de Bormes-les-mimosas (issus du granite du socle) et des phyllades, quartzites de Sicié ou encore phyllades, micaschistes et paragneiss des Maures (issus de la couverture sédimentaire paléozoïque).

Le Massif de Sicié est constitué de phyllades et quarzophyllades antépermiens provenant d'une part de pélites et d'argiles et d'autre part de grés quartzeux métamorphisés en profondeur (cf. "niveaux structuraux" ci-dessus).

Au Carbonifére (-359 à 299 Ma) la chaîne hercynienne subit une érosion intense et des formations détritiques charbonneuses à plantes s'accumulent au Stéphanien dans de petits fossés intra-continentaux, nord-sud, ouverts lors de coulissages tardifs (bassin de Plan-de-la-Tour, du Reyran ou des Playes à Six-Fours).

    4.2. Origine des formations rouges caractéristiques, bien visibles dans la dépression (Sanary, Fabrégas, Saint-Mandrier, la Colle Noire)

C'est au Permien (- 299 à - 251 Ma) qu'un régime de distension généralisée s'installe donnant naissance à des fossés est-ouest où se déposent, sur des épaisseurs considérables (2000 métres au Luc), les débris provenant de l'arasement du massif hercynien (dépôts discordants gréso-pélitiques continentaux) et où se manifestent des remontées magmatiques (basaltes de Sicié, Saint-Mandrier, La Colle Noire) ou des émissions de trachytes et rhyolites intercalées (Saint-Mandrier, Estérel).

Au Trias inférieur la sédimentation détritique continue. Ces terrains sont parfaitement visibles à Sanary (la Pointe du Bau rouge) ; concordants sur le Permien, ils constituent la série "des grés bigarrés".
Aprés un épisode lagunaire (dépôts de gypse et de calcaires), l'arrivée de la mer alpine s'effectue au Muschelkalk (Trias moyen) avec le dépôt de calcaires blancs fossiliféres à ammonites, brachiopodes et lamellibranches.
Le dernier épisode (Trias supérieur) est laguno-lacustre (cargneules et marnes bariolées à lentilles de gypse du Keuper).

    4.3. Origine des massifs nord-toulonnais (d'après P. Laville).

Depuis la fin des temps triasiques (-200 millions d'années ou MA), on peut distinguer 6 épisodes dans leur histoire marquée par autant de phases tectoniques.

        4.3.1. Du Jurassique au Crétacé inférieur (-200 à -125 MA) la future Provence est couverte par une mer peu profonde, chaude de type tropical ouverte vers l'Est : la Téthys. Bordée au Nord comme au Sud par un continent, elle va s'ouvrir à l'Ouest sur l'Atlantique dont l'ouverture progresse lentement vers le Nord. Les dépôts marins sont principalement des calcaires, des marnes, voire des argiles dans sa partie la plus profonde. Cette faible quantité de débris continentaux et grossiers témoigne du peu de vigueur du relief émergé. Provence et Languedoc vont se situer sur la marge méridionale de la plaque européenne tandis que Corse et Sardaigne sont dépendantes d'un fragment plus méridional : la plaque ibérique.

        4.3.2. De la fin du Crétacé inférieur à la fin du Crétacé supérieur (-125 à - 80 MA), tandis que la Téthys se ferme à l'Est, le bassin provençal est toujours sous climat chaud et humide. Il va se subdiviser et recevoir du continent méridional de plus en plus de débris, de plus en plus grossiers qui indiquent son instabilité tectonique. A partir de -100 millions d'années, sous l'effet de cette tectonique, une émersion de rides permet du Revest à Draguignan et du Thoronet aux Alpilles la formation de bauxite, résidu de l'altération des argiles contenus dans les roches antérieures. Plus au Nord, prés d'Apt et d'Uzés mais sur des roches gréso-argileuses se formeront les ocres.

Dans les dépôts méridionaux de cette Téthys résiduelle, la présence de plus en plus fréquente de débris de roches du socle primaire, indique la vigueur des érosions continentales et méridionales. Aprés chaque période d'émersion bauxitisante, la mer tente de reprendre sa place, d'abord par formation de lagunes où se forme du lignite, puis par édification de plate-forme côtiére où apparaissent des plateaux récifaux à Rudistes, cantonnés dans des zones plus à l'abri des apports détritiques comme à la Cadiére d'Azur et au Castellet. Cette tendance à l'émersion a débuté dans les Pyrénées dés la base du Crétacé inférieur (- 145 millions d'années). Cette instabilité se traduit par un va et vient permanent de la mer Téthys avant son refoulement vers l'Atlantique quasi complet au Campanien (- 80 MA).

        4.3.3. De la toute fin du Crétacé supérieur (-71 MA) à celle du Paléogéne (- 38 MA), la Provence émerge et sa partie méridionale s'éléve progressivement.

Du Languedoc à la Provence, cette lente élévation est aujourd'hui interprétée (GUIEU et ROUSSEL 1988) comme un bombement de la croûte terrestre (Fig.23 et 24), qui s'accompagne du glissement des terrains les plus superficiels ou couverture, déposée sur les argiles et gypses triasiques ou couche «savon» car cette derniére forme le lubrifiant de la pile de roches, déposée à l'aplomb du gypse pendant tout le Secondaire. D'abord sous forme de plis et fractures qui évoluent en failles inverses puis en chevauchements, les structures de ces chaînons répondent à la force gravitaire engendrée par le bombement accompagné du basculement des blocs de socle vers le Nord. In fine, le socle décoiffé de ses roches sédimentaires s'écaille et du Massif de Sicié à Porquerolles des paquets partent vers le Nord à la poursuite de cette couverture chiffonnée formant prés de Toulon les collines de Saint Cyr et du Beausset et les monts Faron, Caumes, Coudon, Croupatier et Gros Cerveau, puis plus au Nord, les chaînes de la Sainte Baume, de l'Etoile et de la Nerthe. L'édification de ces chaînons se termine il y a 38 MA.

L'originalité tectonique de la Provence réside dans ce mode d'apparition par distension et bombement de la croûte terrestre et non par compression entre deux mégaplaques comme le suggéraient les précédentes interprétations.

Plaques tectoniques au Tertiaire
Fig.24. Les plaques tectoniques au début du Tertiaire (P. Laville).

Guieu et Roussel proposent en 1988 que, sur la marge sud de la plaque européenne l'apparition d'un bombement crustal dont le versant sarde au SE serait plus élevé que le versant provençal au NE, conséquence d' une élévation de la croûte terrestre dés le Crétacé supérieur (100 Ma), serait à l'origine du décollement de la couverture sédimentaire et de son glissement gravitaire vers le Nord sur un socle basculé.

Bombement crustal Sud Provence
Fig.25. Le bombement du manteau au Sud de la Provence du Paléoéne à l'Eocéne. (P. Laville).

Bombement crustal coupe
Fig.26. Coupe dans le bombement crustal à l'Eocéne. (P. Laville)
.

Du Paléocéne (-65 Ma) à l'Eocéne (Bartonien -37 Ma) se seraient succédés déchirures et chevauchements.

        4.3.4. De 38 à 23 MA, le bombement crustal s'effondre car un fragment de la plaque ibérique se détache définitivement de la plaque européenne et le bloc Corse-Sardaigne pivote de 30 vers l'Est (Fig.25) sous l'action d'un fragment plus oriental de la plaque africaine (plaque apulienne) qui migre rapidement vers le Nord et amorce la formation des Alpes par subduction sous la plaque européenne. Sur le bord de la plaque européenne où se trouve la Provence, cet effondrement méridional provoque le retour de la mer, l'inversion du relief provençal et l'érosion d'une partie des chaînons. Localement et plus au Nord qu'au Sud, ce phénoméne n'est pas homogéne, de brefs épisodes de compression replissent les premiéres structures. L'essentiel des dépôts consiste en conglomérats bien visibles sur la côte de Sanary à Bandol.

Dérive Corse-Sardaigne
Fig.27. Dérive de la micro-plaque Corse-Sardaigne. (P. Laville).

A l'Oligocéne (-34 Ma), la distension généralisée entraîne la formation d'un rift d'effondrement avec formation de bassins continentaux (bassins d'Aix, Marseille, Sanary-Ollioules) et expliquant notammant la compléxité des terrains au Nord de Toulon; suivrait ensuite la séparation et la dérive du bloc corso-sarde.

        4.3.5. De 23 à 5 MA, sous l'effet de la poussée africaine toujours virulente à l'Est de la Provence où l'arc alpin se forme, le relief provençal est rajeuni. Les anciens chevauchements sont réactivés, la plupart replissés comme le montre la voussure de l'unité de Sicié dans l'axe de Saint Mandrier. De nouveaux chevauchements apparaissent à l'Est comme au Nord de la Provence sous l'effet des charriages alpins vers le Sud-Ouest. De nouveaux chaînons comme le Lubéron, la Sainte Victoire ou les Alpilles et dans notre région toulonnaise, le massif oriental des Maures surgissent et le détroit de Gibraltar ferme la Méditerranée pendant 2 millions d'années, provoquant son asséchement partiel sur une hauteur de 1500 m et d'épais dépôts de sels et de gypse.

Enfin, il y a 6 millions d'années, un panache thermique de l'asthénosphére provoque en quelques points des éruptions de basalte prés de La Môle et du Beausset (18 km de coulées entre le Plateau de l'Aygue et le Cap négre ou le château de Bandol). Extrêmement fluides comme aujourd'hui à Hawaï, ces basaltes s'écoulent immédiatement sans former de cratére. Le tracé en baïonnette du relief fossilisé sous ces coulées, montre des vallées inclinées vers le Sud et moulées sur les plis individualisés précédemment. Aujourd'hui, aprés 5 millions d'années d'érosion, ces vallées miocénes sont suspendues dans le paysage et les coulées de basalte disparaissent en mer, ce qui indique un basculement du secteur vers le Sud.

Le bilan de ces épisodes tectoniques est une mosaïque de microplaques flottant sur un Trias «savon» aminci ou engraissé par les déplacements de la couverture jurassico-crétacée. Chacune d'entre-elles posséde une trajectoire particuliére où la rotation a été souvent mésestimée, ce qui gène la reconstitution de leurs déplacements et de fait, celle des paysages antérieurs. Quoiqu'il en soit, globalement, les paysages provençaux héritent du prédécoupage du socle primaire et des jeux locaux de l'érosion dans une couverture en mouvement vers le Nord-Est.
Les raccourcissements atteindraient 25 à 30 Km dans la couverture et une dizaine dans le socle.

        4.3.6. Aujourd'hui en Provence et depuis 2 millions d'années, la tectonique semble presque figée, excepté à l'aplomb des vieilles failles du socle primaire qui restent sensibles aux mouvements profonds de l'asthénosphére. Les séismes historiques au voisinage d'Aix en Provence et le long de la Durance en témoignent. Plus discrétement, la dissymétrie des versants Nord et Sud du Massif de Sicié, de la Presqu'île de Giens et de Porquerolles témoignent d'un basculement vers le Nord il y a environ 11 000 ans, indiquant les derniers soubresauts de la dérive corso-sarde. Enfin au Nord-ouest de la Provence, les fortes accumulations de gypse triasique montrent une tendance au diapirisme sous le simple poids des sédiments plus récents qui les surmontent. Ainsi, à l'Ouest de Courthezon, le Miocéne forme un dôme érodé dont le cœur héberge un lac salé.

Prés de Toulon, la tectonique quaternaire s'exprime dans les réseaux de fractures comme celles du plateau de Siou Blanc où elles conditionnent la circulation des eaux souterraines infiltrées dans les calcaires jurassiques et crétacés. Les résurgences du Ragas au Revest, celle de la Foux à Evenos et bien d'autres comme celle de Port-Miou prés de Cassis, montrent l'importance des communications entre niveaux stratigraphiques et unités structurales. Même profondes, ces ressources naturelles sont néanmoins vulnérables aux pollutions de la surface. Enfin, associées au réseau de fractures précédent, les oscillations de la mer provoquées par les glaciations engendrent une érosion qui façonne les canyons de nos massifs et étagent les alluvions.

De la difficulté de voir dans le panorama les différents chevauchements.

En effet, en Provence, il y a eu une inversion du relief, c'est ainsi que les zones topographiquement les plus hautes actuellement, les barres calcaires urgoniennes (Crétacé inférieur), correspondent aux structures tectoniques les plus basses (les unités inférieures chevauchées), alors que les unités chevauchantes sont dominées. C'est l'effet de l'érosion qui s'attaquant d'abord à l'écaille supérieure chevauchante, déblayent les terrains les plus tendres depuis les calcaires marneux du Crétacé supérieur jusqu'aux niveaux plus résistants du Jurassique ; ainsi l'écaille supérieure se trouve-t-elle dominée par l'écaille inférieure dont l'Urgonien résiste à l'érosion.