Le synclinal du Beausset (Var)

1. Itinéraire

Pour le flanc sud du Bassin du Beausset, au sortir des gorges d'Ollioules, prendre la nationale 8 vers Le Beausset. A 2,5 Km de Sainte-Anne d'Evenos, prendre la route, à gauche, conduisant à la Chapelle du Vieux-Beausset.

Gagner la table d'orientation.
Pour le flanc nord, gagner la "route des crêtes" entre Cassis et La Ciotat.

2. Le bassin du Beausset

Il est limité :
-au nord, par la chaîne de la Sainte-Baume,
-au nord-est, par la dépression permienne,
-au sud, par le chevauchement de l'Unité de Bandol,
-au sud-ouest, par la mer et les massifs de Marseilleveyre-Carpiagne,
-et à l'ouest, par le Bassin de Marseille.

C'est une vaste cuvette, allant de Cassis à Toulon, formée par l'empilement de couches ou strates de dureté différente, disposées en auréoles concentriques du Jurassique et du Crétacé (du Barrémien (n4U) au Valdo-Fuvélien (c6)).
Il s'agit d'un vaste bassin dont les couches sédimentaires les plus jeunes et les plus hautes sont au centre de la structure alors que les plus âgées sont à la périphérie, c'est donc un synclinal.

3. La géologie

Carte géologique Bassin du Beausset

Fig.1. Extrait de la carte géologique au 1/250 000 (1)

Coupe Bassin du Beausset

Fig.2. Coupe schématique à travers le synclinal du Beausset

montrant la dissymétrie entre un flanc nord régulier à série complète et un flanc sud à série réduite, témoin d'un relèvement progressif du flanc sud au cours de la sédimentation (2).
Figures (1) et (2) d'apès G. Bronner in "Du delta du Rhône à la rade de Toulon"; Guide géonautique. 2006.
L'érosion a donné naissance, par suite de l'alternance de couches dures et de couches tendres, à plusieurs lignes de cuestas qui cloisonnent le synclinal : la Marcouline, Ceyreste, la Cadière d'Azur, le Castellet.
Les couches tendres formant le talus, les couches dures formant une barre en saillie, bien visible dans le paysage.

Distinguons les différentes auréoles en partant de la région de Cassis au NW vers le SE et la région de Toulon.

-A la périphérie, se trouvent les auréoles les plus âgées. L'auréole la plus externe est formée par une mince bordure de calcaires marneux du Crétacé inférieur (n3-2) (Berriasien, Valanginien, Hauterivien) qui repose sur le Jurassique supérieur (jD et j9) qui affleure au nord, à l'est et au sud (Massif de Carpiagne, Sainte-Baume, Massifs nord-toulonnais).

-Une deuxième auréole, avec ses calcaires urgo-barrémiens (n4U) visibles au NW dans le Massif de Puget, à la Bedoule et fortement redressés au SE dans le Massif du Gros Cerveau.

Cassis vu du Pas de la Colle
Fig.3. Cassis vue du Pas de la Colle.

Le synclinal du Beausset est limité au NW par les calcaires urgo-barrémiens du massif des calanques,
le Massif de Puget. On voit aussi l'Île Maire et l'entrée des calanque de Port-Miou et Port-Pin.

Les auréoles suivantes ont donné naissance à plusieurs lignes de cuestas; la première ligne de cuestas bien visible à Roquefort-La Bédoule dans la carrière Comte, ci-dessous.

Carrière Comte
Fig.4. Carrière "Comte" à Roquefort-la-Bédoule (Bouches du Rhône)

Sur le Bédoulien (Aptien) repose la cuesta de La Marcouline ; son talus (1) est une alternance de marnes bleues aptiennes (Gargasiennes sur 70 mètres d'épaisseur contenant des rostres de bélemnites et d'ammonites pyriteuses et des nummulites) et de calcaires argileux en bancs peu épais surmontés de niveaux de grès de l'Albien-Cénomanien inférieur alors que sa barre (2) formant corniche est constituée de calcaires massifs à rudistes du Cénomanien moyen.

A Cassis la bordure nord-ouest du Bassin du Beausset montre les auréoles de l'Aptien, du Cénomanien et du Turonien.

- Au Cap Canaille affleurent les auréoles du Cénomanien et du Turonien moyen et supérieur.

Falaises de Cassis
Fig.5. De la plage de Cassis, on distingue vers le sud-est deux Pointes, au premier plan la Pointe des Lombards (1 et 2),
au deuxième plan le Cap Canaille.
Coupe Cassis /><br>
                    <br>
                  <font color=-La Pointe des Lombards:

Elle montre 4 formations superposées visibles dans l'Anse Sainte-Magdeleine :
-(1) des marnes grises de l'Aptien moyen et supérieur (Gargasien) couvertes de végétation semblables à celles de la carrière Comte ci-dessus.

-(2) "le banc des Lombards" du Cénomanien moyen et inférieur constitué de calcaires riches en grains de quartz et débris de fossiles (biocalcarénites à rudistes et ammonites des genres Mantelliceras et Acanthoceras.
Sur cette barre rocheuse est construit le château de Cassis.
La surface du banc est noduleuse et fortement oxydée, de couleur rouille, riche en fer, interprétée comme le résultat d'une désorganisation du sédiment par l'activité d'organismes vivants qui creusaient des terriers; ces derniers furent comblés par des sédiments marneux déposés ensuite.
Banc des Lombards
Fig.6. Le "Banc des Lombards" plonge dans la mer à "La Pointe des Lombards"

Fig.7. Détail de la surface du " Banc des Lombards" : "hard-ground"

-(3) "les marnes de Cassis" datées du Cénomanien moyen montrent une alternance de marnes (a) et de calcaires argilo-quartzeux (b) riches en ammonites (Eucalycoceras) et de bancs de calcaires brèchiques.

Pointe des Lombards
Fig. 8. Les marnes de Cassis

Marnes et grès ansede Ste Madeleine
Fig.9. Marnes de Cassis surmontées par les grès de Sainte-Magdeleine


Fig.10. Banc de calcaire brèchique

Dans les "marnes de Cassis" (3a) on voit un olistolite, un bloc décamétrique (Ap) de calcaire à Rudistes (Caprina) qui provient de la barre de La Marcouline et qui a glissé sous l'effet de la pesanteur dans le bassin de sédimentation, poussant devant lui des brèches calcaires (Br). Il est emballé dans un banc de calcaires argileux (3b).

Olistolite
Fig. 11. Olistolite
-(4) "les grès de l'anse Sainte-Magdeleine" du Cénomanien supérieur.

Grès de Ste Madeleine

Fig.12. Les grès de l'Anse Sainte-Magdeleine

roux à quartz et ciment calcaire.
Grès de Ste Madeleine

Fig. 13. Cette formation est constituée d'une alternance de bancs grossiers contenant des boules en saillie et de fines couches (lamines) contenant des figures de sédimentation (convolutes).

- Le Cap Canaille.

Ses falaises maritimes qui sont parmi les plus hautes d'Europe, culminent à 394 mètres d'altitude; elles offrent de magnifiques panoramas tout au long de la Route des Crêtes entre Cassis et La Ciotat.

cap Canaille
Fig.14. Le Cap Canaille (Massif de Soubeyran ou Massif de la Canaille à Cassis)

Le soubassement de la falaise, envahi par la végétation est formé de marnes grises du Cénomanien et du Turonien inférieur (5) riche en ammonites et foraminifères, alors que la falaise elle même est constituée de calcaires blancs à Rudistes (Vaccinites), intercalés dans des grès calcaires ferrugineux ocres à stratification entrecroisée, et des poudingues du Turonien supérieur (6), indurés et très résistants à l'érosion qui constituent aussi le Cap de l'Aigle à La Ciotat.

Cap Canaille2
Fig.15. Le Cap Canaille vu de profil.

-La "Couronne de Charlemagne".


Avec le Mont Saoupe et le Cap Canaille, elle constitue une remarquable ligne de cuestas du Turonien.

Couronne de Charlemagne
Fig.16. Dominant l'Anse Sainte-Madeleine à Cassis, à gauche la "Couronne de Charlemagne", à droite le Mont de Saoupe avec son antenne-relais.

Le soubassement de la Couronne de Charlemagne est constitué de marnes du Turonien inférieur et moyen, riches en rostres de belemnites, ammonites et foraminifères; la barre est formée de calcaires du Turonien supérieur, massifs, riches en rudites (Hippurites et Radiolites).
Couronne de Charlemagne
Fig.17. "La Couronne de Charlemagne" vue de la Route des Crêtes

4. Reconstitution du paléo-milieu

Après des dépôts de sédiments argilo-calcaires dans une mer assez profonde à l'aptien (marnes (1), cette zone de la Provence émerge à l'albien (lacune de l'Albien) et les grès carbonatés riches en grains de quartz (2) proviennent de dépôts de sables en milieu marin dans une mer peu profonde où vivaient des rudistes. Ces éléments détritiques riches en quartz arrachés au Massif corso-sarde méridional par des fleuves qui coulaient dans une direction sud-nord ont fait l'objet d'épandages sous-marins dans un large delta pendant le Cénomanien inférieur. Un sénario identique se répète au Cénomanien.supérieur-Turonien inférieur avec dépôts de sédiments marneux (3) puis d'éléments détritiques grossiers (4) dans une baie peu profonde parcourue par des courants (stratification entrecroisée.

-D'autres cuestas turoniennes sont visibles dans le paysage.

-La cuesta près de Ceyreste.

Cuesta de Ceyreste
Fig.18. Le talus est turonien, la barre coniacienne

-La dernière ligne de cuestas est formée par la cuesta du Castellet et celle de la Cadière d'Azur au talus marneux et à la barre calcaire riche en rudistes.

Sur la bordure sud du synclinal du Beausset, l'Aptien inférieur est représenté par les calcaires argileux tendres du Val d'Aren, l'Albien est absent (cette lacune stratigraphique étant dûe à une émersion locale), le Cénomanien inférieur (Grès de Sainte-Anne-d'Evenos) formant le talus de la cuesta, alors que la barre de la Jaume (Calcaires à rudistes) appartient au Coniacien; il y a donc ici une lacune du Turonien.

Au centre du synclinal du Beausset se trouvent les auréoles les plus jeunes, datées du Valdo-Fuvélien (c6) de Fontanieu et du Santonien supérieur (c5M) formant une dépression marneuse.

En conclusion : Sur une cinquantaine de kilomètres, le synclinal du Beausset montre une dissymétrie marquée entre son flanc nord qui présente une série complète de couches sédimentaires faiblement inclinées et son flanc sud une série réduite (lacunes de l'Albien et du Turonien) de couches redressées.

Essai de reconstitution paléoécologique et paléogéographique

Au Crétacé alors que se déposent dans la mer alpine, située au nord, des faciès marno-calcaires profonds, au sud se trouve une mer chaude, peu profonde.

Au Crétacé inférieur (145,5 ± 4,0 - 99,6 ± 0,9 Ma), se déposent dans une plate-forme carbonatée des faciès néritiques dits provençaux (faciès marins littoraux entre 0 et 200 mètres de profondeur), comme les calcaires barrémiens à faciès urgonien, si caractéristiques des paysages provençaux, où ils forment des barres abruptes, résistantes (Massif de Carpiagne, Sainte-Baume, Gros Cerveau, Faron...).

A l'Albien, alors qu'au nord une zone émergée se forme, au sud, un sillon subsident (enfoncement progressif du fond d'un bassin sédimentaire) est-ouest apparaît, dans lequel une sédimentation profonde donne des calcaires à ammonites (n6a) (La Bédoule).

A la Simaille, la présence de calcaires bioclastiques (formés d'éléments fossiles) à matériel urgonien remanié, à orbitolines et rudistes, atteste d'un soulèvement de la ride urgonienne de la Toulousane près de Sainte-Anne d'Evenos.
A ce niveau, pendant la sédimentation, on enregistre des mouvements tectoniques intéressant le socle méridional.

-Au Crétacé supérieur (99,6 ± 0,9 - 65,5 ± 0,3 Ma), pendant le Cénomanien inférieur (c2a), la série marine est réduite dans cette zone sud, à des grès et des sables siliceux à orbitolines (sables du Val d'Aren), alors qu'au nord elle est complète ("Banc des Lombards à Cassis cf. ci-dessous).

Au Cénomanien supérieur la présence de calcaires à Rudistes (cuesta de la Marcouline) (c2R) témoigne de la transgression du Golfe de Basse Provence sur le versant sud de la zone émergée (flèche bleue de la carte ci-dessous).
La mer est chaude, ouverte avec de vrais récifs (biostromes ou récifs lenticulaires et biohermes ou récifs en bancs continus riches en Caprina (rudiste).

Bioherme
Fig.19. Le bioherme de la carrière "Comte" à Roquefort-La-Bédoule (Bouches du Rhône).

Au Turonien alors que la sédimentation est récifale avec abondance de Rudistes des genres Hippurites et Radiolites, et que les apports terrigènes (provenant d'éléments arrachés à une terre émergée) s'accroissent, au sud, sur une zone haute, il y a une surface de discontinuité L2 marquée par une croûte ferrugineuse de quelques cm d'épaisseur au Gros Cerveau et de plusieurs mètres au Mont Caume.
Au nord, de Cassis à La Ciotat, le Massif de Canaille présente des terrains et des figures sédimentaires caractéristiques de dépôts détritiques arrachés à un massif situé au sud de la Provence actuelle par un fleuve coulant vers le NE et étalés dans un delta sous-marin.,

Au Sénonien inférieur (Coniacien), des mouvements tectoniques font rejouer les rides albiennes et les variations de profondeur du golfe, permettent l'installation de récifs à Rudistes (Hippurites et Radiolites) en bancs ( Barre de la Jaume) (c2R)) ou sous forme d'amas lenticulaires (c4R) au dessus des rides.

Carte paléogéographique de la Basse Provence au Crétacé
Fig. 20. Bordure sud du Bassin Sud-Provençal

= Marge Nord-Toulonnaise
1. Bombement Durancien
2. Plate-forme carbonatée au Cénomanien supérieur
3. Bassin Sud-Provençal
4.Massif méridional
5. Apports détritiques siliceux arrachés à la plate-forme carbonatée
6. Apports terrigènes (arrachés par l'érosion au Massif méridional
7. Extension de la plate-forme carbonatée au Turronien supérieur
8. Extension de la plate-forme carbonatée au Coniacien

Au Santonien (c5M), la sédimentation marine subrécifale deltaïque terrigène domine et le sillon sud provençal se comble progressivement par des apports détritiques provenant du massif méridional alors que les barres récifales se découvrent. La fin du Santonien et le Campanien (Calcaires marneux à débris de Mollusques et passées de lignite de Fontanieu (Valdo-Fuvélien) (c6) témoignent d'un passage progressif d'une sédimentation marine, à une sédimentation fluvio-lacustre puis à une sédimentation continentale. La régression de la mer est généralisée et le Golfe de basse Provence se comble.
Ainsi un épisode sédimentaire est-il encadré d'une transgression et d'une régression, l'ensemble formant un cycle sédimentaire.
Au Maestrichtien, la Provence émerge définitivement, suite à des serrages engendrés par les premiers mouvements tectoniques pyrénéo-provençaux, alors que la couverture sédimentaire se plisse.

En résumé: Fig.21.
Reconstitution paléogéographique du Bassin du beausset

5. Une curiosité géologique : "le lambeau de recouvrement du Vieux-Beausset

Le Vieux Beausset
Fig. 22. Le lambeau de recouvrement du Vieux Beausset.

1. Ancienne carrière de calcaire à Rudistes (Barrémien à faciès urgonien n4U)
2. La barre de la Jaume (Calcaires à Rudistes. Coniacien c4R)
3. Grès et sables. Cénomanien inférieur (c2a )
4. Calcaire marneux à silex et Céphalopodes. Aptien (n6) et la ferme "La Toulousane"
5. Le lambeau de recouvrement du Vieux Beausset. La butte qui porte la chapelle est un lambeau de Trias moyen (calcaires

On peut voir, un lambeau de gypse sur un petit terre-plein, sur la dernière ligne droite menant à la chapelle.
Il avance l'hypothèse qu'il s'agit d'un " lambeau de recouvrement "ou klippe, c'est à dire d'un reste d'une nappe de charriage, provoquée par des mouvements tectoniques et démantelée par l'érosion.

Une nappe de charriage étant un grand chevauchement, c'est à dire un recouvrement de terrains par d'autres par l'intermédiaire d'un contact anormal.


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