Le massif des Maures et l'orogénèse varisque

Nous nous proposons de récapituler les preuves tectoniques, métamorphiques et magmatiques accumulées lors des randonnées sur le terrain concernant l'appartenance du Massif des Maures-Tanneron à l'orogène varisque et de retrouver quelques jalons de l'édification de ce Massif.

1. Au début était Rodinia

Rodinia "Terre Mère" regroupait il y a environ 1,1 Ga (1,1 Milliard d'années) toutes les masses continentales (cratons) connues.


Fig. 1. Reconstitution paléogéographique (Document Wikipediia)

2. Le démembrement de Rodinia

Il aboutit, il y a environ 750 Millions d'années à l'apparition de 2 super-continents
-au nord, Laurentia (Amérique du nord), Baltica (Europe du nord) et Sibéria,
-au sud, Gondwana (Afrique, Antarctique, Australie, Inde, Madagascar, Arabie, Chine, Europe du sud).

3. Dans les Maures, des vestiges contemporains de l'orogène cadomienne

Pendant le Protérozoïque-Cambrien (-660 à 510 millions d'années), suite à la subduction du plancher océanique sous Gondwana naît une chaîne de montagnes, la chaîne cadomienne (Islande, Massif armoricain, Voges, Sud de l'Allemagne, République Tchèque, Pologne, Espagne).

Dans les Maures, le granite de Barral (à gros cristaux d'orthose) qui a été daté radiochronologiquement de -580 Millions d'années (Précambrien) est considéré comme le témoin d'un métamorphisme qui a affecté un vieux socle lors des mouvements orogéniques cadomiens.

En effet, le gneiss de Bormes-les-mimosas est un métagranite (roche métamorphique à gros cristaux d'orthose et à enclaves micacées) de même composition chimique que le granite de Barral voisin; on peut donc penser que ce gneiss proviendrait d'une fusion partielle ou anatexie crustale du vieux socle de la région lors de l'orogénèse cadomienne et serait contemporain de la remontée de magmas granitiques formant alors des plutons qui se sont mis en place au cours des mouvements tectoniques (=granites syntectoniques).

4. Au Cambrien (-542 à -488 Ma)

Lors d'une période de distension l'Océan Lapetus s'ouvre entre Laurentia et Baltica, puis l'Océan Rhéique entre Baltica et Gondwana.

5. A la limite du Cambro-Ordovicien, (il y a environ 490 Ma)

Dans un contexte tectonique divergent avec amincissement crustal il y a formation d'un fossé d'effondrement ou rift continental à l'emplacement du Massif central actuel suivi de l'ouverture de l'Océan du Massif central.


Fig. 2. Reconstitution paléogéographique (d'après "Lithothèque du Limousin").

Dans les Maures on rencontre des alternances d'amphibolites et de leptynites associées à des métagabbros (roches de la croûte terrestre) ou en renfermant des enclaves.

Les amphibolites sont des roches, riches en amphibole (hornblende), plagioclases et à relique de pyroxène, qui seraient issues d'un protolithe de type gabbro ou diorite (roches magmatiques plutoniques) ou de basalte (roche effusive équivalente) qui aurait subi un métamorphisme ultérieur MP-MT-HT de faciès amphibolitique.

Les leptynites, riches en plagioclases acides, grenat et biotite sont auusi des roches métamorphiques issues de roches volcaniques acides (rhyolite ou andésite) ou de métasédiments gréso-pélitiques.

Ces complexes seraient les témoins d'un volcanisme bimodal daté par la méthode U/pb à -548 Ma sur le protolithe des amphibolites et leptynites de la Croix Valmer suite à une distension de la croûte continentale, d'un rifting continental  avec remontée asthénosphérique provoquant une fusion partielle de la croûte et du manteau sus-jacent (cf. Fig.3. diagramme P/T).

6. L'océanisation et la présence de l'océan médio-européen (-550 à -420 Ma)

La croûte océanique se forme par accrétion de matière au niveau d'une dorsale océanique; l'amincissement crustal lors de l'expansion océanique induit une décompression adiabatique (chute de pression à température constante) provoquant la fusion partielle des péridotites du manteau qui remontent donnant après refroidissement lent des gabbros ou après refroidissement rapide des basaltes.

Au niveau d'une dorsale la  croûte est formée de sédiments recouvrant des basaltes en coussins (pilllow lava), des basaltes massifs en filons et des gabbros; au dessous le manteau supérieur est formé de péridotites.

Dans les Maures la présence de métasédiments (sédiments métamorphisés) contenant des fossiles marins sont des preuves de la présence d'un océan dans la région.

Ex1. Présence de sédiments stratifiés.
Dans le Massif de Sicié, ou sur la plage du Cabasson à Brégançon on observe dans des séries sédimentaires détritiques de type flysch la stratification qui est bien visible. Ces séries ont été métamorphisées par la suite.

Ex2. Présence de fossiles marins.
On a en effet découvert d'abord dans  le Massif du Fenouillet, dépendance du Massif des Maures puis sur l'Île de Porquerolles des fossiles de graptolites, animaux marins coloniaux pélagiques.
Au Fenouillet les graptolites ont été datés à -330 Ma et à Porquerolles, Diplograptus tamariscus a livré un âge compris entre -444 et -428 Ma.

7. L'expansion océanique

Le plancher océanique qui se forme de part et d'autre de la dorsale, dérive vers les plateaux continentaux en s'hydratant et en se refroidissant progressivement jusqu'à subduction au bout de 200 Ma environ.

-EX1. Les schistes et quartzites de Brégançon, contenant de la chlorite et des "fantômes" de chloritoïdes (taches brunes sur les quartzites) sont les témoins des transformations subies par des sédiments pélitiques déposés sur la croûte océanique, c'est à dire un métamorphisme hydrothermal de basse intensité BP-MP/MT (Basse à Moyenne Pression Moyenne Température), 400°C correspondant à l'anchizone ou épizone
Les sables donnant les quartzites et les sédiments argileux se transformant en schistes sériciteux; leur alternance est semblable aux dépôts actuels de type flysch océanique.
Le faciès métamorphisme qui est défini par une association minérale caractéristique (paragénèse), chlorite-séricite, stable dans des conditions limites de températures et de pressions est ici le faciès schiste vert.
Sur le diagramme P/T ci-dessous il correspond à la zone B.

Sur le terrain, Rolland et al., (2009) le classent dans la zone à chlorite et grenat du Massif des Maures (cf. Fig. 9).

Ex2. Les micaschistes à minéraux du Col du Canadel

La roche est plissée et foliée, formée d'une alternance de lits sombres riches en micas et de lits plus clairs riches en quartz blanc ou rose.
De gros cristaux ou phénocristaux de staurotide ou staurolite et de feldspaths (plagioclases) sont bien visibles ainsi que des grenats de quelques millimètres.
La texture au microscope révèle la présence de paillettes de micas (biotite et muscovite) qui ont recristallisé dans les plans de foliation et des cristaux de sillimanite et de disthène.

Cette roche a subi des déformations et des modifications minéralogiques à l'état solide dans un contexte géodynamique de convergence, c'est une roche métamorphique d'origine détritique ou pélitique.
L'étude de la paragénèse : staurotide+grenat+andalousite+disthène, (minéraux en équilibre avec des températures comprises entre 500 et 700 °C et pour des pressions comprises entre 0,4 GPa et,0,6 GPa) indique que ces roches ont subi un métamorphisme de moyenne intensité ou de mésozone correspond au faciès amphibolitique (zone A sur le diagramme P/T Fig. 3).
Sur le terrain Rolland et al., (2009) le classent dans la zone à biotite+muscovite+sillimanite du Massif des Maures.





8. La subduction de la marge continentale et la fermeture de l'Océan du Massif central (-420 à -380 Ma).

    8.1. subduction océanique.

La suduction aurait débuté il y a 420 millions d'années (Silurien).

Fig. 4. Reconstitution paléogéographique (d'apès " Lithothèque du Limousin").

Au nord, la fermeture de l'Océan Iapetus par subduction sous Baltica est suivie de la collision des continents Laurentia et Baltica formant le super-continent Laurussia.

De cette collision naît la chaîne calédonienne (Chaines scandinaves, Ecosse, Irlande,  Appalaches).

Au sud, le continent Gondwana est séparé de Laurussia par l'Océan Rhéique; de sa marge nord se détache plusieurs micro-continents dont Armorica qui est séparé du premier par le petit Océan du Massif central.

A la fin du Silurien debute la fermeture de l'Océan du Massif central par subduction océanique vers le nord (cf. schéma ci-dessous).

Fig. 5. Subduction et fermeture de l'Océan du Massif Central

La fermeture océanique se poursuivant, la croûte océanique (riche en eau et riche en sédiments hydratés), de plus en plus dense, plonge par gravité dans le manteau plus chaud. Une déshydratation se produit progressivement et les roches subissent un métamorphisme prograde passant alors d'un faciès schiste vert puis schiste bleu à un faciès éclogite à grenat avant de fondre dans le manteau (cf. Fig. 3. ci-dessus).

Ex. Les éclogites de la presqu'île de Saint Tropez.

Une preuve est fournie semble-t-il par ces écologites qui ont la m^me composition chimique qu'un basalte dont l'assemblage minéralogique grenats roses + clinopyroxène (omphacite) les caractérise; elles se présentent en enclaves dans des gneiss migmatitiques.
Elles auraient donc pour protolithe (roche mère) une roche basique du plancher océanique (gabbro ou basalte) qui a subi une déshydratation progressive et un métamorphisme Haute Pression caractéristique du faciès éclogite (présence de grenats minéraux anhydres) ; on peut donc formuler l'hypothèse d'une subduction en profondeur (de 40 à 60 Km) pour des températures basses. (cf. métamorphisme HP/BT faciès éclogite zone D sur schéma M/T Fig. 3).

En effet quand la plaque océanique dense plonge dans l'asthénosphère, la subduction induit d'abord, pour une faible augmentation de la pression et de la température, la formation de roches métamorphiques de faciès amphibolite (zone A Fig.3.) puis schistes verts (zone B Fig.3).

La subduction se poursuivant la déshydratation des roches augmente et la pression P est de plus en plus élevée pour une augmentation de la température relativement faible; apparaissent alors de nouveaux minéraux anhydres et stables dans ces nouvelles conditions comme des grenats qui se forment à partir de 25-30 Km de profondeur; les nouvelles roches métamorphiques sont de faciès éclogite.

(1) plagioclase + augite (clinopyroxène) + olivine (péridot)  - H20-----
------------>plagioclase + clinopyroxène (omphacite)  + grenat
  soit basalte ou métagabbro ou amphibolite - H2O---------->éclogite
                (déshydratation + P élevée)

8.2. La subduction continentale.

Quand la lithosphère océanique a complètement disparu, la croûte continentale est entrainée et subit le même sort. L'eau libérée lors de la subduction océanique percole vers le manteau de la plaque chevauchante, l'hydrate, provoque l'abaissement du point de fusion des péridotites et leur fusion partielle (qui peut aussi être due à une surchauffe provoquée par l'affrontement de deux plaques tectoniques continentales).Il y a métasomatisation du manteau pour des profondeurs de 70 km environ et des températures de 1000 °C.

Des magmas se forment, riches en amphibole et mica noir (minéraux hydratés); moins denses ils migrent vers la surface et subiront des évolutions diverses.
Ces magmas bloqués par la croûte froide donneront des plutons de diorites et granodiorites soit après cristallisation fractionnée des plutons acides granitiques soit encore atteindre la surface sous forme d'émissions volcaniques d'andésite ou de rhyolites.


Faciès métamorphiques
Fig. 6. Formation des éclogites

Ainsi dans les Maures a-t-on :
-des plutons de granitoïdes (Tonalites du Prignonet et de Reverdi, Granites de Plan-de-la-Tour et de Tanneron),
°Les granitoïdes des Maures proviennent de magmas granitiques issus de la fusion de la croûte terrestre mélangés à des magmas d'origine mantellique.
-des épanchements de rhyolites..
Les serpentinites de La Verne considérées comme des amphibolites serpentinisées renferment des cristaux de serpentine (antigorite, chrysotile) et des cristaux de minéraux ferro-magnésiens (olivine + clinopyroxène + orthopyroxène) c'est à dire qu'elles ont une composition chimique comparable aux péridotites (roches du manteau qui ont subi une hydratation) métamorphisées pour donner des amphibolites qui ont été serpentinisées ensuite (les amphiboles se transformant en serpentine). Ainsi des basaltes océaniques ont été métamorphisés en éclogites et ces dernières en amphibolites (serpentines).

9. Collision et formation de la chaîne hercynienne ou varisque (-340 à -310 Ma)


Fig. 7. Reconstitution paléogéographique (d'après "Lithothèque du Limousin").

Au nord, au Dévonien débute la fermeture de deux domaines océaniques l'Océan Rhéïque par subduction vers le sud (Laurussia sous Armorica) et l'Océan Paléothéthys.

C'est, suite à la collision de deux grandes masses continentales Laurussia au nord et Gondwana au sud, que se forme en plusieurs phases (Laurussia contre Armorica puis Gondwana contre Armorica) outre les déformations ductiles subies par les roches et un métamorphisme synchrone, une réaction isostasique (cf. Fig. 15.) qui donne lieu à la formation de reliefs en surface de 5 à 6 km d'altitude et à la formation d'une racine de 60 à 80 Km de profondeur. Cette chaîne de collision, la Chaîne Varisque (ou hercynienne en France) évoluera de la fin du paléozoïque entre 420-380 millions d'années et 320-290 millions d'années (Silurien-Carbonifère supérieur).
Elle courrait sur plus de 8000 Km entre l'Amérique centrale et l'Europe actuelles.

En Europe elle s'étendait du Portugal et du sud de l'Espagne, jusqu'au Caucase sur environ 3000 Km de long et 700 Km de large. Outre le Portugal et l'Espagne, on rencontre aussi ses "massifs anciens" en France, dans le sud-ouest de l'Irlande et de l'Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Tchéquie et en Pologne.
Pendant les ères secondaire et tertiaire la chaîne varisque a été morcelée lors des ouvertures des océans Thétys, Atlantique et Indien et les massifs méditerranéens ont subi des déplacements de plusieurs centaines de kilomètres et ont été dispersés par l'ouverture des bassins algéro-provençal et tyrrhénien. Corsini et Rolland (2009) montrent que sa branche sud a été complètement déstructurée par l'orogène alpin, érodée et morcelée et qu'il en reste aujourd'hui des lambeaux comme le Massif Central, les massifs des Vosges, des Ardennes, de Bavière, de Bohème, les Massifs cristallins externes des Alpes (Mont Blanc, Pelvoux, Belledone, Argentera), le Massif des Maures-Tanneron, la Corse et la Sardaigne, la Sicile et la Kabylie en Algérie. Ces terrains constituent actuellement le socle de l'Europe centrale et occidentale.

Carte chaine varisque
Fig. 8. Carte structurale de la chaîne varisque du Sud de l'Europe (modifiée Corsini-Rolland).

Massifs variscains
Fig. 9. Principaux massifs variscains affleurant en Europe occidentale d'après M. Gerbault et al/ (2018) in Tecthtonophysics 746.

(BM) Massif de Bohème; (AM) Massif armoricain; (MC) Massif Central; (IM) Massif ibérique; (CO) Corse; (SA) Sardaigne; (MTT) Massif Maures-Tanneron.

La Chaîne varisque résulte donc de la fermetures de plusieurs bassins océaniques et de plusieurs collisions continentales d'âge variable.

L'édification du Massif Maures-Tanneron s'est déroulée en continue de la collision continentale du Dévonien précoce au Carbonifère tardif (Crévola et Pupin; 1994).
La subduction continentale qui a débuté dès le Dévonien moyen s'arrête rapidement à cause de sa densité moindre par rapport à l'asthénosphère. Il subsiste des témoins de structures postcollisionnelles polyphasées (Rolland, M. Corsini, A. Demoux):

    9.1. Epaississement crustal (-350 à -320 Ma).

Alors que les migmatites des Maures orientales sont les témoins de la formation de granites intrusifs, ces derniers sont la preuve d'un épaississement crustal.
En effet leur formation exige des conditions de température et de pression élevées qu'on ne rencontre qu'entre 50 et 70 km de profondeur, ce qui nécessite un enfouissement des gneiss de la croûte continentale (cf. Fig. 3). 

Deux premières phases de structuration P1 et P2 se sont succédées comme le montrent les micaschistes des plages de Saint Clair (Le Lavandou) et du Rayol Canadel.

La phase P1 compressive donnant de grands plis isoclinaux dont les foliations S1 et les linéations L1 ont été reprises et déformées par des foliations S2 et des linéations L2.

   9.2. Raccourcissement crustal (-320 à -300 Ma).

La phase P2 restructurant le massif en régime transpressif;  le "boudinage" des bancs de quartz dans les gneiss de la plage du Rayol entre deux lits incompétants est le fait de contraintes cisaillantes. Un métamorphisme allant jusqu'à l'anatexie était associé.
Au cours de ce raccourcissement Est Ouest des plis se chevauchent formant de véritables nappes accompagnant le jeu de failles décrochantes.


Fig. 10. Epaisissement crustal et empilement de nappes d'après Corsini et Rolland, 2009

Minéraux du métamorphisme: Chl=Chlorite; St=staurotide; ky=Kyanite=Disthène; Sil=Sillimanite; Ms=Muscovite.

    9.3. Différentes preuves de la collision hercynienne dans le Massif des Maures
      9.3.1. Les marqueurs tectoniques.

Les contraintes de compression provoquent dans des matériaux rocheux deux sortes de déformations à l'état solide, les déformations ductiles ou plastiques (déformations sans cassures)  et les déformations cassantes. Elles provoquent aussi l'apparition de modifications structurales et sont accompagnées de métamorphisme.

        9.3.1.1. Déformations ductiles.
Ex. Observation de plis à différentes échelles depuis des plis kilométriques jusqu'à des plis micromètriques qu'on nomme anticlinal ou synclinal et antiforme et synforme quand on ignore leur âge relatif..
-Plis dans les phyllades de Sicié.
-Plis dans les schistes et les quartzites de Brégançon ou microplis dans les phyllades de Giens.
-Plis isopaques dans les filons. Le pli conservant la même épaisseur dans la charnière et dans ses flancs.
-Plis anisopaques dans les phyllades de Sicié ou dans les amphibolites des Maures. La charnière du pli est plus épaisse que ses flancs suite à un fluage des minéraux conséquence de l'effet de contrainte de compression.
-Chevauchements et plis en fourreau dans les gneiss de la plage du Rayol.

          9.3.1.2. Déformations cassantes, les failles.

Ex1. Observation de failles dans les Maures qui sont nées, ont joué ou rejoué lors de plusieurs orogènes ou phases tectoniques cadomienne, varisque ou alpine (souvent bien visibles en cartographie).



Fig. 11. Isogrades et zones de métamorphisme dans les Maures


Fig. 12. Coupe lithotectonique simplifiée des Maures occidentales
(Var, France, 2002)

(dans "Chevauchement et détachement dans les Maures occidentales"
JP. Bellot, G. Bronner, J. Marchand, C. Laverne, C. Triboulet)
Fig. 13. Coupes géologiques du secteur de Cavalaire-Croix Valmer
(mêmes auteurs)

Dans les Maures on distingue plusieurs types de failles :

- Failles normales:
failles de Collobrières, de Bormes, de Cavalaire, de La Garde-Freinet et faille de Grimaud-Pennafort.
De direction NNE-SSW elles sont responsables d'effondrements; elles ont pu jouer en failles normales mais aussi en failles décrochantes dextres ou senestres dans des contextes tectoniques différents de compression ou d'extension.

°Ainsi les granitoïdes des Maures se mettent-ils en place dans des cavités aménagées près des failles lors d'une subsidence de la croûte.

°ou encore l'exhumation se produit par le jeu de failles de détachement.

-Failles inverses: deux faisceaux de failles de direction W-E responsables de chevauchements (Les Mayons au nord, Pierrefeu-Collobrières et La Môle)

-Failles coulissantes, décrochantes ou cisaillantes: ce sont souvent les mêmes failles qui rejouent.
°Faille décrochante dextre: faille de Grimaud lors de la mise en place du granite de Plan-de-la-Tour et de la formation des cataclastites.
°Faille décrochante senestre: failles responsables du découpage des Maures en chaînes longitudinales (chaîne de la Sauvette, chaîne des Îles d'Hyères séparées par des vallées profondes).
°Failles subissant des contraintes obliques avec raccourcissement ou extension responsables de déformations en transpression ou en transtension.
Ainsi les structures "en fleur", les amandes de cisaillement bien visibles sur la bordure ouest du granite du Rouet (G. Crévola) ou dans le bassin houiller de Plan-de-la-Tour sont des déformations transpressives.


Fig. 14. Transpression


Fig. 15. Transtension

Ex2. Observation de failles dans les filons.

         9.3.1.3. Apparition de modifications structurales

Ex1. Observation de schistosités:
-dans les phyllades de Sicié ou dans les phyllades de Brégançon (avec réfraction de la schistosité),
-dans les micaschistes et les gneiss de la plage de Canadel.

Ex2. Observation de foliations
-dans les gneiss de Bormes-les-mimosas,
-dans les gneiss du Rayol.

Ex3. Observation de linéation d'étirement et de crénulation:
_dans les migmatites de la plage de Tahiti (Cap Pinet).
-dans les migmatites de la carrière de Reverdi.

    9.3.2. Les marqueurs métamorphiques.

La collision aurait provoqué un épaississement de la croûte continentale avec en surface la construction d'une montagne emprisonnant des vestiges de l'ancienne croûte océanique (complexe leptyno-amphibolitique) et en profondeur la formation d'une racine orogénique entrainant une fonte partielle des roches crustales donnant des migmatites.

°Le complexe leptyno-amphibolitique de la Croix-Valmer
(métabolisme de faciès amphibolitique) a été daté de 328 Ma à 332 Ma (Carbonifère inférieur).

°Le complexe leptyno-amphibolitique à métagabbros (faciès granulitique) dans l'Unité de La Garde Freinet serait le témoin d'un métabolisme HT (G. Crévola).

°Les migmatites de la plage de Tahiti (Saint-Tropez) aurait pour protolithe  un gneiss œillé à mica noir et sillimanite témoignent d'un métamorphisme HP-HT (catazone) et d'un début de fusion anatectique.

°Les éclogites de la plage de Tahiti (St Tropez) ont subi un métamorphisme HP de forte intensité de faciès éclogite (catazone)

Conclusion.
Ainsi dans les Maures on obseve un métamorphisme croissant d'ouest en est, de faciès schiste vert à amphibolite (métamorphisme Moyenne Pression Moyenne Température de type Barrowien) dans les Maures occidentales jusqu'à un métamorphisme de HP de faciès éclogite dans les Maures orientales.
On assiste également à la mise à l'affleurement de roches d'origine profonde, suite à l'érosion et l'effondrement du massif.

10. Exhumation

Une troisième phase de déformation tectonique post métamorphique P3 aurait donné naissance à de grands antiformes et synformes en dômes et en cuvettes  associés au fonctionnement des grands accidents décrochants comme la faille de La Garde Freinet et à un début d'exhumation de la chaîne. 

Pour Corsini et Rolland (2009), les mouvement extensifs du Carbonifère et le rejeu de la faiile de Grimaud-Joyeuse en dextre serait responsable d'un amincissement crustal, de l'effondrement du massif et de l'exhumation des formations profondes suite à un rééquilibrage isostatique.


Fig. 16. Exhumation du Massif des Maures

(d'après Corsini et Rolland 2009).

Pour Schneider&Coll (2014), l'édification de la Chaîne varisque aurait été suivie d'un effondrement post-orogénique et d'une exhumation de la racine orogénique (croûte inférieure partiellement fondue); elle aurait commencée pendant la convergence (345 Ma) et se serait poursuivie pendant 20 Ma. Les instabilités gravitationnelles et un échauffement intense seraient responsables lors d'une phase de distension de la remontée des granulites et de complexes magmatitiques de faible viscosité à travers une croûte supérieure froide.
L'érosion de surface aurait ensuite mis à nue ces formations.
Preuves.

Les éclogites de la presqu'île de Saint Tropez
Elles sont issues de la réaction (1)
(1) plagioclase + augite (clinopyroxène) + olivine (péridot)  - H20------
--->plagioclase + clinopyroxène (omphacite)  + grenat
   amphibolite - H2O-------->éclogite
                déshydratation + P élevée

(cf. trajectoire rouge 1+2 d'un gabbro sur diagramme P/T Fig. 3)

 Elles contiennent des grenats entourés d'une auréole blanche  de métamorphisme riche en plagioclase (albite) et amphibole; elles se seraient donc retrouvées dans de nouvelles conditions P/T où

(2) plagioclase +omphacite + grenat  + H20-----> albite + amphibole (hornblende), l'inverse de la réaction (1).
éclogite + H20--------->amphibolite
hydratation + P moins élevée

Ces éclogites ont donc dû subir un métamorphisme rétrograde lors d'une remontée, la plaque continentale plongeante moins dense que l'asthénosphère qui n'ayant pu s'enfoncer plus profondément serait remontée sous l'effet de la poussée d'Archimède (cf.trajectoire rouge 3 d'un gabbro sur diagramme P/T Fig. 3).

Isostasie
Fig. 17. Mécanismes de l'exhumation

Sous l'effet de l'érosion qui a débuté dès la surrection des premiers reliefs et de l'isostasie (la différence de densité entre la croûte continentale et l'asthénosphère plus dense fait que la poussée d'Archimède tend à faire remonter les formations profondes; la montagne tend alors vers un profil d'équilibre, la pénéplaine.
La croûte s'amincit, l'altitude diminue, la mise à l'affleurement de formations profondes se fait et l'extension généralisée qui succède à la compression entraîne un effondrement vers l'ouest.

C'est dans ce contexte que se mettent en place des injections magmatiques (migmatites de Reverdi, tonalites de Reverdi et du Prignonet, Granites d'anatéxie de Plan-de-la-Tour et du Rouet puis les intrusions d'aplite formant la coiffe et la bordure des massifs granitiques et les intrusions de pegmatites formant des filons sous l'influence d'éléments minéralisateurs.

Au Carbonifère moyen des fossés d'effondrement apparaissent le long de l'accident de Grimaud-Pennafort lors d'une phase de distension normale pour certains géologues ou apparaissant en contexte coulissant (décrochement dextre en transtension avec cisaillement et extension délimitant des bassins de type "pull apart" pour d'autres géologues. A la fin du Carbonifère se mettent en place des granitoïdes comme le Granite de Plan-de-la-Tour ou du Rouet (301,8 ± 2,7 Ma) U-pb sur zircon et monazite Duchesne et al., 2013.

Dans le petit bassin houiller de Plan-de-la-Tour les schistes noirs à passées charbonneuses du Stéphanien supérieur (306,5 ± 1 - 299,0 ± 0,8 Ma) qui ont livré une riche flore de Gymnospermes du genre Walchia (Coniférales) et de fougères arborescentes (Ptéridophytes) des genres Calamites (Equisétales) et Sigillaires (Lycopodiales), témoignent de dépôts de sédiments détritiques provenant du démantellement du massif des Maures dans de petits fossés nord-sud intra continentaux nés suite à des coulissages tardi-orogéniques.

Lissés, faillés, écaillés, on rencontre en Provence d'autre fossés nord-sud, les bassins de Joyeuse-Pennafort, du Reyran dans les Maures ou des Playes à Six-Fours.

Après la collision on assiste donc à un réquilibrage thermique et mécanique.

Enfin des déformations tardi-orogéniques (300-280 Ma) consécutives au rejeu des failles en cisaillement oblique associé à un raccourcissement en transtension  sont responsables de structure en fleur du massif et de lenticulation en bordure.

Pendant le Permo-Trias l'érosion est active  provoquant l'arasement de la chaîne (-295 à -245 Ma) mettant à nu les formations profondes et comblant les fossés d'effondrement (Bas Argens)..

C'est le rifting du Permien qui est responsable de la séparation Maures-Tanneron alors que la dissociation Corse-Sardaigne du Massif des Maures-Tanneron s'est produite au Miocène lors de l'ouverture des bassins d'arrière arc méditerranéens avec une rotation antihoraire de 55° (Guegen, 1995; Gattaccecca et al., 2007).

11. Un modèle conceptuel

Modèle conceptuel de l'orogénèse varisque
Fig. 18. Un modèle conceptuel de la branche sud de l'orogène varisque en Europe à partir de l'exemple du Massif Maures-Tanneron


Fig. 19. Essai de reconstitution schématique de l'histoire géologique du Massif des Maures.

En conclusion, le Massif des Maures-Tanneron est considéré comme un fragment sud de la chaîne varisque; il montre un métamorphisme croissant d'ouest en est dont le marqueurs sont des associations minérales ou paragénèses.
En effet on voit l'apparition et la disparition successive d'ouest vers l'est de minéraux comme la chlorite, la biotite, le grenat, la staurotide, le disthène, la sillimanite, la muscovite qui témoignent d'un gradient croissant de T et P lors d'un enfouissement progressif jusqu'à 70 km de profondeur de matériaux rocheux qui ont subi un début de fusion.
Ces roches métamorphiques sont traversées par des plutons de granitoïdes et par des roches mafiques Haute Pression comme des éclogites rétrogradées dans le faciès granulite puis amphibolitique. (e.g Cortesogno et al., 22004; Cruciani et al., 2006).

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